Les castes sont toujours un sujet épineux en Inde. Le preuve avec le film Aarakshan du réalisateur Jah Prakash sorti le 12 août dernier.
Officiellement depuis plus de 60 ans, tous les citoyens indiens sont égaux en droits. Cependant dans les faits les castes inférieures sont toujours discriminées et mal
représentées. Pour pallier à cela, le gouvernement a créé un système dit de "discrimination positive" à l'image de ce qui existe aux Etats-Unis : places dans l'administration et
les institutions scolaires réservées aux classes répertoriées par le gouvernement (plus de détails ici).
C'est à ce sujet très controversé que le film s'attaque. L’intrigue met en scène un directeur d’université, un étudiant dalit (de la caste des "Intouchables"), qui rêve de
devenir enseignant, et un élève issu d’une haute caste. La fille du principal (c'est l'histoire d'amour réglementaire !) doit choisir entre sa passion pour le jeune intouchable et la sécurité que
représente l’influent fils de Brahmanes (haute caste).
D'après l'AFP, les Etats de l'Uttar Pradesh (état où il y a en majorité des "Intouchables") et du Pendjab, dans le nord de l'Inde, ont repoussé la diffusion
prévue vendredi du film après des critiques évoquant des références "choquantes" envers des populations défavorisées.
Dans l'Uttar Pradesh, dirigé par une intouchable, et au Pendjab, des manifestations ont déjà eu lieu contre le film du metteur en scène Prakash Jha, qui a donné à la star Amitabh
Bachchan le rôle de proviseur d'une école prestigieuse à qui l'on impose le système des quotas.
Le gouvernement de l'Uttar Pradesh a estimé dans un communiqué que "certains dialogues entre différents personnages pourraient inciter à la violence et aux troubles civils". L'interdiction de
diffusion dans cet Etat a été prise pour deux mois tandis que le Pendjab décidera ultérieurement, une fois que le film aura été visionné par un comité gouvernemental.
Du matériel publicitaire annonçant le film a été vandalisé et plus d'une dizaine de militants ont été arrêtés après avoir manifesté devant le domicile du metteur en scène à
Bombay, qui bénéfice désormais, comme les acteurs principaux, d'une protection des autorités.
La Commission Nationale pour les Castes répertoriées a relevé des dialogues "péjoratifs" et "désobligeants" envers les Dalits, appelant ainsi le Comité de Censure à exiger des
modifications de la part du réalisateur. Une association pro-Dalit a même contesté le fait que le rôle de l’Intouchable soit interprété par un acteur au lignage royal (il descend
de la famille royale de Bhopal). Le Comité, après visionnage du film, a cependant tenu à défendre le droit d’expression du réalisateur.
Celui-ci s'est d'ailleurs exprimé sur le sujet :
Nous savons tous que nous vivons dans une société basée sur le système des castes, nous savons qu’il y a des places réservées à certaines castes (…). Pourquoi ne pas pouvoir en parler
librement dans nos films ? Il y a en Inde des gens qui bénéficient de cette politique et il y a ceux qui ratent des opportunités à cause de cette politique. C'est presque une
situation de l'Inde contre l'Inde et en montrant ça dans mon film, j'essaie de rapprocher les deux camps, a-t-il dit.